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SEYDIL HADJI MALICK SY (RTA) fut le précurseur du « Gamou », dans sa forme populaire

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Dans quelques jours, la communauté musulmane sénégalaise va célébrer la 121ème édition du « Gamou ». Le « Gamou » ou « Mawlid » commémore la naissance du Prophète de l’Islam (PSL).

Pourquoi la 121ème édition – et non la 117ème – contrairement à la croyance populaire qui se réfère au calendrier grégorien (1902 – 2018) ? Parce que le « Gamou » est une fête musulmane qui est commémoré durant le troisième mois du calendrier musulman, l’Hégire. Or, l’Hégire est basée sur 12 mois lunaires de 29 à 30 jours, et compte 354 à 355 jours, contrairement au calendrier grégorien (365 à 366 jours) ; ce qui explique le décalage de 10 à 11 jours par rapport à l’année civile. En conséquence, il se produit tous les 32 ou 33 ans la célébration de deux (2) « Gamous » dans la même année civile (1917 – 1950 – 1982 – 2015).

Au Sénégal, SEYDIL HADJI MALICK SY (RTA) fut le précurseur du « Gamou », dans sa forme populaire et festive que nous lui connaissons aujourd’hui. La première édition du « Gamou » a été célébrée à Tivaouane en 1902 (1320 de l’Hégire), l’année de l’installation définitive du saint homme dans cette ville.

Il a été rapporté que, bien avant son installation dans la ville sainte, Mame Maodo avait déjà célébré l’anniversaire de la naissance de la meilleure des créatures à Saint-Louis, dans un cadre plus intime, avec Mame Rawane NGOM (RTA), un de ses plus fidèles compagnons de la première heure. A cette époque, on ne parlait pas de « Gamou » mais plutôt de « Maouloud Nabi ». La célébration avait un caractère purement privé : les deux hommes avaient passé la nuit à lire le Coran, jusqu’à l’aube.

Le « Gamou » occupe une place privilégiée dans la stratégie du saint homme.

Ndiarndé avait été le premier volet de la stratégie de Seydil Hadji Malick SY (RTA), lorsqu’il se décida de « jouer sa partition » dans la diffusion du message de l’Islam dans son pays, le Sénégal. En effet, il s’était rendu compte qu’il était solitaire dans sa nouvelle « mission ». La plupart des ses devanciers et contemporains « marabouts » ne répondaient plus à l’appel dans le pays : certains avaient été tués dans des confrontations avec les autorités coloniales ou avaient vu leurs « daaras » fermés ; tandis que d’autres avaient été déportés dans des contrées lointaines (au Gabon, par exemple) ou avaient pris sur eux-mêmes l’initiative de s’exiler dans un pays anglophone voisin (la Gambie).

A Ndiarndé, Maodo Malick devait assurer la formation des hommes qui devraient le seconder dans sa nouvelle mission. Il savait qu’il ne pouvait pas dispenser cette formation à Saint-Louis, où il se consacrait à l’enseignement. En effet, la ville du Nord était, non seulement, la capitale de la Colonie et siège du Gouverneur, mais également et surtout, parce que ce dernier interdisait tout déplacement de « marabouts » à l’intérieur du pays sans son autorisation, à plus forte raison, leur regroupement.

Seydil Hadji Malick SY dispensa une formation de « haut niveau » à Ndiarndé où il ouvrit un « séminaire de formation des formateurs » qui dura sept ans (1895 – 1902). Il y forma plus de deux cents érudits, dont la plupart avaient été élevés au grade de « moukhadams » (représentants). Après leur formation, ces nouveaux « moukhadams » avaient été répartis sur toute l’étendue du pays, dans les contrées les plus reculées, et dans la sous-région.

Maodo Malick savait bien, après Ndiarndé, qu’il allait s’installer définitivement à Tivaouane. C’est la raison pour laquelle, dès le début du siècle, il envoya Mame Safiétou NIANG (RTA) avec sa famille, le précéder dans cette ville du Cayor. Faut-il le rappeler, El Hadji Mansour SY Balkhawmi (« l’autre El Hadji Malick SY » car il fut l’inséparable compagnon de son père dans la vie comme dans la mort) est né à Tivaouane en 1901, plus précisément, le dimanche 28 avril 1901 !

Tivaouane, dans la stratégie du saint homme, devrait être le prolongement de Ndiarndé. Le patriarche continua à y assurer un enseignement de haut niveau, dans ce qu’on a appelé son « Université populaire ». Cependant, Mame Maodo voulait donner une audience plus large à son prosélytisme, en ciblant les masses sénégalaises. Dès son installation à Tivaouane en 1902, Seydil Hadji Malick SY lança un appel pour la célébration de la « Nuit de la Naissance », appel qui fut relayé par ses « moukhadams » à travers tout le pays, jusque dans les coins les plus reculés. Pour marquer le cachet populaire de cette commémoration, il lui attribua le surnom de « Gamou », un nom emprunté à la culture « ceddo », et qui désignait, à l’époque, une grande fête païenne. Il réussira ainsi à faire oublier cette manifestation « ceddo » au profit du « Mawlid » !

Lorsqu’il lançait son célèbre appel « Alla hazimou laylal wiladati ……. ! » (Célébrez la nuit de la naissance où que vous soyez dans la pure tradition prophétique, en vous éloignant de tous les interdits), Seydil Hadji Malick était âgé de quarante-six ans (1274 – 1320 H), l’âge de son maître, Sidi Ahmed Tijani Cherif (RTA), le fondateur de la noble voie de la Tijaniyya, quand il accédait à la « grande ouverture » (Al Fat’oul Akbar), lors d’une retraite spirituelle à Abou Semghoune, un petit village du nord algérien, où le Prophète (PSL) lui était apparu à l’état de veille, en pleine journée, pour lui enseigner son « wird ».

Grâce au dynamisme de Mame Maodo, Tivaouane devint un grand foyer de l’Islam avec son « Gamou », qui faisait courir tous les musulmans du pays.

Pour donner un cachet particulier à l’évènement et marquer son importance, le Saint de Tivaouane, en prélude à la « Nuit de la Naissance », organisa des séances de récitation collective du « Bourde » durant les dix premières nuits du mois de « Rabi’oul Awal », le mois du « Gamou » dans le calendrier musulman, l’Hégire. Et c’est lors la douzième nuit qu’est célébrée la « Naissance » pour exalter et revisiter la vie et l’œuvre du Sceau des prophètes (PSL), afin de s’en inspirer et de suivre ses traces.

Maodo Malick devait également saisir l’opportunité de la présence de ses « moukhadams » à Tivaouane pour faire le point avec eux sur la situation de la « feuille de route » qu’il leur avait confiée, notamment la construction de mosquées et l’ouverture de « daaras » dans leurs localités. L’occasion était également propice pour un échange d’expériences, aux fins de surmonter les difficultés rencontrées avec les autorités coloniales sur le terrain.

Plus tard, le saint homme devait décentraliser le « Gamou » dans l’espace comme dans le temps.
Aussi, sur toute l’étendue du pays, et à n’importe quelle époque de l’année, des Gamous étaient-ils organisés sous la forme de veillées religieuses durant lesquelles les plus grands prédicateurs que compte notre pays, rivalisaient de talent pour commenter le « khilassou zahab » (l’Or décanté), un poème composé par Mame Maodo, qui constitue la biographie la plus complète jamais réalisée sur le Sceau des prophètes (PSL). Ce qui avait fait dire à Serigne Abdoul Aziz SY Al Amine (RTA) (je cite de mémoire) : « Si tu veux connaitre ALLAH (SWT), lis la sourate IKHLASS ; en revanche, si tu veux vraiment connaitre son Prophète MOHAMMED (PSL), consulte KHILASS !»

En conclusion, retenons que le « Gamou » est une manifestation populaire et festive de la commémoration de la naissance du Sceau des prophètes (PSL). Le Saint de Tivaouane a eu le mérite de sortir l’évènement des « chaumières » pour le porter sur la « place publique ».

Avec son « Gamou », Tivaouane est entrée dans l’histoire des plus grandes cités religieuses de la planète comme Médine (Arabie Saoudite), Fès (Maroc), Bagdad (Irak), Damas (Syrie), Chinguetti (Mauritanie), Tombouctou (Mali), etc.

CHEIKH TIDIANE CAMARA
COLONEL DES DOUANES (ER)