Sens et portée de l’enseignement de l’université populaire de Maodo, que retenir du message administré par Tivaouane?
Pour répondre à cette question, il faudrait au préalable nous intéréssé à Maodo et d’où tient-il sa philosophie. Né vers 1855 à Gaé (Nord Est de Dagana) d’un père peulh du Djolof (Mame Ousmane Sy) et d’une mère wolof (Mame Fawade Wéllé), Maodo est à l’image des plus grands érudits, un personnage extraordinaire. Son parcours exceptionnel marqué par les nombreuses péripéties à la quête du savoir avec un engagement et une grande disponibilité au service de la connaissance, eût raison des nombreuses épreuves qui ont stoppées nombreux des contemporains porteurs de projets. Son intelligence et ses facultés intellectuelles étant un atout fondamentale devant un colon jaloux et une concurrence ‘’ceddo’’ très favorisée, Seydil Hadj Malick s’est doté les moyens pour l’édification d’une société fondamentalement religieuse. Les principes sacrosaints d’une telle entreprise furent le culte du savoir, le lien intrinsèque qui prévaut entre l’enseignement théorique et l’application pratique pour épouser textuellement la philosophie mohammadienne.
Seydil Hadj Malick, à travers sa démarche, a réussi par un travail fastidieux à révolutionner le savoir, le savoir-faire et le savoir-être dans un contexte qui ne s’y prêtait guère. Héritier d’un Djihadiste qui a porté les plus grandes victoires de l’Islam sur le colon, Maodo était tout le temps entre divers fronts qui appelèrent à une dynamique d’intelligence pour faire avancer le projet islamique du fondateur de la Tidjaniya. Les archives fournissent en abondance les griefs retenus contre les dignitaires religieux (les plus illustratifs furent Tidjâne) dont Cheikhou Omar Al foutiyou fût le porte étendard. Face à cette situation, les bastions CEDDO devaient être conquis sans éveiller le soupçon du colonisateur puissamment outillé par divers canaux de transmission d’informations. Ces contrés hostiles à l’islamisation et la dénégation de leurs valeurs fondamentales tombèrent sous le charme de ce géant à l’image du baobab qui tient par la profondeur des racines (sharia et haqiqa).
Par son appel, Maodo invita ses contemporains à faire vivre l’Islam par le savoir pour une réponse bien structurée de la religion au projet de société qui devra guider la destinée des populations. Son œuvre magistrale permet à toute les générations de séparer la bonne graine de l’ivraie tant sur le plan de la jurisprudence islamique que sur »le tassaouf ». En effet, Kifâya et ifhâm déblaient l’étendue du territoire religieux (shariha et haqiqah) pour éviter toute forme de tentation à verser dans la prolifération des maux (surtout pseudo religieux) dont souffre la société. Ces analyses socio-critiques permettront à coup sûr de combattre ce qu’il faut convenir d’appeler de nos jours »le paganisme nouvelle formule’’. Son attachement à la licéité n’étant pas sans sacrifice, la productivité étant son souci permanent pour garder son indépendance. Le triptyque ‘’jang julli bey’’ a été la clef de son indépendance, le remède contre la vulnérabilité et la mesure de son humilité et son élévation.
Quelles perspectives pour consolider son richissime patrimoine ?
Seydil Hadj Malick a montré brillamment la voix qui permet aux fidèles d’accéder au cercle privilégié des élus de Dieu. La lutte contre la dépravation et la déperdition devrait passer par l’application des outils placés sous notre responsabilité. L’éveilleur de conscience, le stimulateur des grandes œuvres, Maodo s’est entouré des garanties d’un fondamentalisme religieux très équilibré permettant à l’adepte de s’épanouir dans une ambiance permanente de construction de soi et de la foi.
La position incontournable de Maodo dans l’édification de l’empire islamique fut consolidée par sa dimension de savant hors-pair. Les plus grandes subtilités du savoir sont d’une réelle maîtrise de sa part. C’est à cet effet, que Maodo arbitrait dans l’assemblée des oulémas comme le fut imam Malick Ben Annas à son époque par des réponses illustratives devant aider à une meilleure compréhension du fait religieux. Il ne serait pas vain de citer à titre d’exemple Thierno Ahmadou Dème de Sokone. Ce dernier dont l’œuvre est d’une splendeur à nulle part ailleurs, s’est distingué dans l’édification de l’université islamique ouest africaine. Pour rappel, avant de faire l’exégèse du saint coran de façon très dépouillée, une retraite spirituelle (un sac de mil à raison d’un salatoul fatiha par graine) lui permit de s’y prendre avec une grande dextérité et un grand dévouement qui eurent comme résultat un chef d’œuvre qu’il faudrait magnifier à sa juste valeur.
Cet érudit (Thierno Ahmadou Dème) dont la dimension dépasse l’entendement humain se plaisait à écouter religieusement l’approche de Seydil Hadj Malick dans les questions de jurisprudence les plus délicates. Il n’avait confiance qu’à la version de Maodo pour étancher sa soif malgré sa grande dimension d’homme religieux très féru de la gnose. Un texte qui récapitule des questions à l’endroit de Maodo (souâl wa djawab) démontre combien il fut très attaché à l’héritier de Cheikh Oumar al foutiyou. Dans ce sens, El Hadj Mansour RTA enseigna que »les questions d’une délicatesse absolue dans l’assemblée des élus, sont toujours décortiquées d’une manière prépondérante par celui (Maodo) qui réunit l’unanimité d’une communauté aussi complexe. (Communauté des savants) ». A travers le Gamou, Maodo montre son ouverture d’esprit avec l’instauration des séances de bourde, par l’installation des »daaras » par ses »Moqadams », il consacre la décentralisation du savoir pour toucher plus de cibles.
Son amour du prophète et sa passion à le louanger ne réduisent pourtant pas son humilité. L’on se rappelle encore de mémoire à la conclusion de ‘’khillassou zahab’’ (l’or décanté), ‘’ je ne réclame aucun dû à l’issu de cette entreprise bouclée avec l’aide de Dieu, cependant je clame haut et fort l’amour du prophète et la magnificence de sa gloire et les prières sur lui’’. Une épreuve qu’il partage avec de nombreux érudits et savants qui cultivent ardemment cet amour du prophète érigé en pilier pour atteindre les différentes stations spirituelles.
C’est à cet effet, qu’il faut citer l’auteur du Bourde qui à travers une sublime interrogation trouve la réponse à son questionnement. Peut-on envisager d’atteindre une limite dans les louanges d’une créature aussi sublime (Moustapha)? Point de prétention à atteindre une quelconque limite de la splendeur prophétique. Tant pour ses qualités intrinsèques que pour ses caractéristiques physiques, aucune plume et aucune voix ne peut circonscrire sa légendaire beauté. Mohamed PSL est océan de merveilles sans rivage qui étanche toute forme soif. C’est par lui que l’humanité tient sa beauté et sa magnificence. Cette ferveur à magnifier le sceau de la prophétie a impacté sur l’environnement de Maodo au point qu’il faut disposer d’un sismomètre pour mesurer l’onde de choc dans les plaques tectoniques de notre planète. Les plus belles pages de l’Islam sénégalais portent sa signature et la propension à être cité en exemple dans le monde un bénéfice pour le pays qui peine cependant à comprendre le trésor dont il dispose (MAODO). Son héritage s’inscrit dans la même perspective avec des styles qui démontrent sa richesse. Les touches peuvent être singulières d’un khalife à un autre mais le contenu ne saurait varier.
Au demeurant, comment peut-on comprendre qu’au pays où il a fait ses humanités et toute sa vie, que le fait religieux ne soit pas encore à la place où il devrait être? A la jeunesse, l’appel de Maodo autour de la quête du savoir tient toujours. »Ô peuple, j’invite à la vivification de l’Islam par le savoir. » Si d’un côté l’historien Joseph Kizerbo s’attaquait à l’école occidentale française en ces termes ‘’ une autoroute bitumée vers l’exode’’ que dire de la modernité outrancière et son corolaire de la mondanité de notre société actuelle ? Certainement un boulevard vers la déperdition et le croulement des fondamentaux qui vise la fin de notre hégémonique patrimoine. Il faudrait le rappeler, il faut ‘’éduquer ou périr’’ mais pas divertir pour abrutir si on veut une refondation des valeurs sénégalaises. Restons vigilants, l’ennemi nous guette.
Notre viatique de tous les jours devrait être stipulé autour du savoir, du savoir-faire, du savoir-être et ainsi préparer par le savoir-devenir le rayonnement de l’Islam au Sénégal. Aux jeunes de déterminer la grille de lecture tirée du patrimoine de Maodo afin de récupérer les âmes en voix de déperdition. Remettre à jours nos comportements par un frottement naturel avec les principes sacrosaints édités par le Maître (Maodo) rendra un grand service à la société sénégalaise. Les sages ont fait leur temps, aux jeunes de jouer leur partition pour atteindre la perche qui lui est toujours tendue. A nous de capitaliser ce legs pour une société plus juste, plus humaine et plus encline aux valeurs.
S’il faut tirer la société sénégalaise vers l’émergence à tout point de vue, le socle sur lequel on devrait l’ériger serait sans doute un schéma de valeurs sans cesse revisité. L’enseignement des valeurs cardinales de l’islam par toutes les instituions sociétales permettra d’insuffler une dynamique salvatrice, porte rampe d’une société réconciliée avec elle-même. La voie n’a pas besoin d’être réinventée. Elle passe par une société productive, émancipée d’une extraversion du point de vue économique, culturelle et civilisationnelle.
Savoir et vouloir valoriser les richissimes patrimoines du pays nous interpellent tous et devraient nous suffire comme tâche tellement le défi est énorme. Il est temps de siffler la fin de la récréation et de s’organiser rigoureusement. La société s’en porterait mieux si le cadre d’expression des talents que regorge le pays serait plus dégarni en se substituant aux envolées des troubadours adeptes du gain facile notées sur tous les plateaux (la profession du door marteaux). A l’époque des nouvelles technologies, le défi pour les jeunes de la hadara al Malikiya est d’opposer un contenu valeureux à leur utilisation actuelle détournée de tout intérêt. Le contexte de la pandémie a suffisamment démontré que les contraintes notées çà et là doivent être transformées en opportunités. Le contenu ludique et foncièrement improductif de notre présence dans les réseaux sociaux doit être repensé. L’invite du Khalif dans ce sens est de devenir une force de proposition pour un contenu plus adapté à notre réalité et d’opposition aux vices et dérives du monde 2.0. La transhumance spirituelle ne doit pas rester un slogan chantonnait par de passionnés mais une philosophie qui transparait dans notre comportement au quotidien.
Je suis tidjane, je dois être un modèle productif, intègre, digne, honnête, humble et surtout détaché de tout égoïsme et de voyeurisme. Tels doit être les challenges à présent pour les aspirants tidjane de la hadara Malikiya. L’histoire nous enseigne que la postérité nous attend et nous serons tous jugés par notre contribution à l’élan de vivification de la tradition prophétique à travers l’école ou l’université populaire de Cheikh Seydil Hadji Malick RTA.
Très bon Gamou à toutes et tous, nos vœux et notre pacte d’allégeance renouvelés au patriarche, dépositaire de tous les attributs Malickiya, Cheikh Seydi Aboubacar Mouhamadoul Mansour. Qu’il accomplisse la mission et nous guide aussi longtemps qu’il faudra.
Oubeydoul Hadara Al Malickiya